Spirit Road
There's a long highway in your mind
The spirit road that you must find
To get you home to peace again
Where you belong my love lost friend
Il existe une petite maison à laquelle je pense souvent. Une petite cabane tout en bois, au toit de lauzes. Un mazot sis dans le plus bel endroit du monde, j'ai nommé le Val d'Hérens. Le chalet est un peu haut dans la montagne. Pour y accéder, il faut aimer marcher, car la pente est sévère et peu concilante aux mollets trop tendres. Un fourneau, une table de bois habillée d'une nappe à carreaux rouges, une armoire dans la pénombre tout à côté du lit. La lumière entre à peine ici. Devant la porte se trouve un petit rondin de bois où l'on peut s'asseoir afin d'admirer la nuit les lumières d'Evolène ou écouter le chant de la petite source qui coule dans un abreuvoir de bois non loin de là. Dans le four extérieur, le soir venu, je cuis du pain, grille quelque viande parfois bien que je préfère à tout la viande séchée qu'on fait là-bas et qui sent le foin et les fleurs. Le plus souvent, je me lève entre quatre et cinq heures et je marche tout le jour dans ces paysages magnifiques, ces glaciers suspendus et ces sommets si proches qu'on n'a qu'à tendre la main pour en saisir toute la beauté. Un lever de soleil dans l'air froid de la nuit finissante vaut ici tous les sacrifices, le sommeil d'où il a fallu s'extraire, les muscles douloureux et le souffle qui brûle. Je rentre au logis sur le coup de seize heures; je me lave à l'eau froide, les deux pieds dans un baquet; je mange puis j'attends que la nuit soit noire en fumant des cigarettes et en buvant un verre de Fendant. Il est alors temps pour moi de me coucher dans la belle odeur du foin qui sèche. J'entends la clarine d'une vache dans l'alpage, juste au-dessus de moi. Elle rêve très certainement qu'on l'a élue reine après un vaillant combat. Un animal crie que je ne connais pas. Il fait nuit noire, je dors...
Ce petit chalet-là me connaît depuis longtemps. Je lui rends visite tous les ans en été, profitant de la semaine "entre hommes" que s'octroient mon fils et mon père à flemmarder au bord d'une piscine dans le sud de la France. Ils me disent qu'ils vont tous les jours à la mer mais je ne les crois pas le moins du monde. Les piscines d'hôtel recèlent pour mon père des trésors cachés que mon fils ne tardera pas à partager je crois.
Ce petit chalet-là, disais-je donc, appartient à Rudy qui me laisse en profiter lorsque je le veux. Je l'ai connu lors d'une randonnée équestre il y a des années de cela. Nous avions vingt-cinq ans. Un ami de vingt ans, en quelque sorte! Je ne me souviens plus du tout ce que j'avais en tête le jour où j'ai décidé pour la première fois une retraite dans cet endroit. A l'époque, je crois bien que je n'avais jamais été seule de ma vie plus de vingt-quatre heures. Je suis femme compliquée issue de fille compliquée et j'avais probablement perçu que me couper de mes repères me serait salutaire. Ca m'est devenu maintenant un bonheur précieux, un pas de plus vers la sagesse, l'acceptation de la dureté de la vie. Un luxe. Vivre au jour le jour, une tâche après l'autre, sans autre ambition que d'exister et jouir du moment présent. Un aboutissement.
Le voilà, mon petit chalet... c'est celui-là!